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Étiquetage sur le devant de l'emballage 

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Étiquetage sur le devant de l'emballage

Lettre au ministre fédéral de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire

19 juin 2017 |
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Montréal, le 16 juin 2017


L’Honorable Lawrence MacAulay
Ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)  K1A 0A6

 

Monsieur le Ministre,

Récemment, la politique de Transparence des communications avec les intervenants pour les initiatives en matière de saine alimentation nous a permis de prendre connaissance d’une lettre datée du 9 mars 2017, qui vous était adressée. Signée par la Fédération canadienne de l’agriculture et Food & Consumer Products of Canada, elle faisait connaître l’opposition de ces représentants à l’étiquetage sur le devant de l’emballage proposé par Santé Canada dans la Stratégie en matière de saine alimentation. De notre côté, nous appuyons cette mesure et nous espérons que cette lettre vous permettra d’apprécier le potentiel de l’étiquetage simplifié des teneurs élevées en sucre, en sel, en gras saturés, tant pour la santé des Canadiens et des Canadiennes que pour notre économie.

Au Canada, les taux d’embonpoint et d’obésité au sein de la population sont très inquiétants. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a récemment publié le Obesity Update – 20171, qui rappelle l'envergure de ce problème au pays. La situation canadienne n’est pas encourageante : il s’agit du deuxième pays avec le plus haut taux d'obésité et d'embonpoint chez les enfants et où plus d’un adulte sur quatre est obèse. L’obésité est associée à un certain nombre d’affections ou de morbidités. La littérature récente permet d’établir des liens entre l’obésité et diverses maladies chroniques, comme le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, divers cancers et l’arthrite. Quant à l’obésité infantile, elle accroît le risque d’obésité plus tard dans la vie et contribue à l’apparition précoce d’un certain nombre de maladies chroniques. La situation actuelle exige des actions gouvernementales appropriées et efficaces en matière de prévention, auxquelles votre ministère peut apporter sa précieuse contribution.

Transmettre une information claire, fiable et simple, permettant aux citoyens de faire des choix alimentaires éclairés, est l’une des avenues dans lesquelles le gouvernement doit s’investir pour la prévention de l’obésité. L’étiquetage sur le devant de l’emballage, que les représentants de l’industrie tentent de discréditer en le qualifiant de « sévère » et relevant d’une « approche alarmiste », est une avenue prometteuse pour que les Canadiens aient l’heure juste sur le contenu des produits transformés et ultratransformés. Dans leur lettre, les représentants de l’industrie avancent que l’ajout d’information sur le devant de l’emballage « pourrait faire très mal à la réputation » de leur industrie. Cet argument soulève d’importants questionnements sur la qualité de l’offre alimentaire proposée aux Canadiens. Pourquoi craindre autant l’idée que les Canadiens aient plus facilement accès à l’information sur la qualité nutritionnelle de leurs produits ?

L’étiquetage nutritionnel obligatoire sur le devant de l’emballage permet d’équilibrer les pratiques de marketing utilisées par les industriels, qui ne font ressortir que les aspects valorisant le produit, sans refléter la valeur nutritive globale et le contenu élevé en sucres, sel et gras saturés.

Là où les représentants de l’industrie jugent l’usage de logo « sévère », nous le qualifions plutôt d’efficace :
  • il vulgarise l’information du tableau de la valeur nutritive situé sur le côté ou à l’arrière de l’emballage,
  • il cible des nutriments dont la teneur élevée a été identifiée comme étant nuisible pour la santé publique,
  • il est visible au premier coup d’œil, contrairement au tableau de valeur nutritive, facilitant ainsi les décisions d’achat dans les lieux de vente,
  • les données probantes montrent que les logos peuvent aider les consommateurs à faire des choix alimentaires plus sains,
  • cette mesure pourrait pousser les fabricants à reformuler certains produits pour éviter d’apposer un logo, menant ainsi à une amélioration de l’offre alimentaire.
L’intérêt de simplifier l’information nutritionnelle à l’aide de logos officiels est qu’ils peuvent être compris facilement de tous (peu importe l’âge, la langue et le niveau de littératie) et qu’ils peuvent être utiles aux individus avec des limitations visuelles. Dans les différentes versions de logos proposées par Santé Canada, l’utilisation des formes triangulaires réfère à « faire attention » et envoie un message de modération aux citoyens et non d’interdiction. Dans la lettre signée par les représentants de l’industrie, ceux-ci se plaisent à rappeler leur poids économique en s’appuyant sur le deuxième rapport du Advisory Council on Economic Growth pour inciter le gouvernement à ne pas adopter l’étiquetage simplifié, parce que, prétendent-ils, cela « aurait pour effet de refroidir la capacité du Canada à innover, croître et compétitionner ». Cela apparaît exagéré. De plus, pendant que ces représentants paraissent s’adonner à une campagne de peur sur le plan économique et s’inquiètent d’un logo susceptible de révéler plus clairement la piètre qualité nutritionnelle de nombreux produits sur le marché, le surpoids et les maladies chroniques liées à l’alimentation ont des conséquences concrètes sur la société canadienne. En 2012, les coûts directs de l’obésité pour le système de soins de santé (ex. : médicaments, soins médicaux) et les coûts indirects sur la productivité (valeur de la production économique perdue en raison des décès prématurés et des invalidités brèves ou prolongées) étaient estimés à 19 milliards de dollars2. Compte tenu de la croissance du surpoids au cours de la dernière décennie, il y a lieu de croire que ce fardeau économique est actuellement beaucoup plus élevé. Dès lors, il est d’autant plus préoccupant pour les contribuables de constater que des représentants de ce secteur s’opposent à des mesures de transparence de base susceptibles de permettre aux citoyens de faire des choix plus éclairés. Nous vous invitons donc, Monsieur le Ministre, à ne pas céder aux pressions et à privilégier la santé et l’intérêt des citoyens canadiens dans ce dossier. La mesure proposée par Santé Canada est bénéfique et minimalement contraignante : le consommateur demeure libre de choisir ces produits et l’industrie pourra continuer de les produire. Elle peut aussi offrir de meilleurs produits et ne pas être affectée par cette exigence de transparence de l’information nutritionnelle située sur le devant de l’emballage. Enfin, nous vous encourageons à travailler de pair avec la Ministre de la Santé, afin de faire du Canada un leader mondial en matière d’étiquetage.

Liste des signataires :

Académie de l'Apothicaire AmiEs de la Terre de Québec Association des médecins omnipraticiens de Québec Association des spécialistes en médecine préventive du Québec Association pour la santé publique du Québec Association québécoise de la garde scolaire Ateliers Je suis capable Capsana Centre d'écologie urbaine de Montréal Centre de promotion de la santé du CHU Sainte-Justine Clinique 180 Coalition québécoise sur la problématique du poids Conseil régional de l'environnement de Montréal Conseil Québécois du Loisir Croquarium Diabète Québec Édupax Équiterre Extenso Fédération des éducateurs et éducatrices physiques enseignants du Québec Fédération des kinésiologues du Québec Fédération médicale étudiante du Québec Fondation des maladies du cœur et de l'AVC Fondation Tremplin Santé Groupe de Recherche et d'Éducation en Hygiène Dentaire IFMSA - Québec Institut de cardiologie de Montréal Jeunes médecins pour la santé publique La Cantine pour tous La Société de l'arthrite La Tablée des Chefs Les ateliers cinq épices Les diététistes du Canada Les YMCA du Québec Option consommateurs Ordre professionnel des diététistes du Québec Québec en forme Regroupement des cuisines collectives du Québec Réseau francophone international pour la promotion de la santé - Section des Amériques Réseau Nutrition Familia Réseau pour une alimentation durable Réseau québécoise de Villes et Villages en santé Science et fourchette SPORTSQUÉBEC Union des consommateurs
1 Organisation de coopération et de développement économiques (2017). Obesity Update 2017. Repéré le 24 mai 2017 à http://www.oecd.org/health/health-systems/Obesity-Update-2017.pdf 2 Krueger, H., Turner, D., Krueger, J. et Ready, A. E. (2014). The economic benefits of risk factor reduction in Canada: Tobacco smoking, excess weight and physical inactivity. Can J Public Health, 105(1): e96-e78
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